Mon histoire avec la censure en Tunisie date de très longtemps, elle n'a pas commencé avec internet mais avec la télé. Tout le monde ou presque se rappelle de la fameuse chaine "
Antenne Deux" qui diffusait ses programmes sur le hertezien tunisien, bien avant l'avènement de la médiocrité de Hannibal TV et autre Canal 21. La chaîne passait des films français et chaque fois que le héros allait embrasser sa bien-aimée, l'homme en Bleu comme on l'appelait à l'époque coupait immédiatement la transmission en mettant un écran bleu pour nous préserver des catastrophes qui pourraient nous arriver si jamais on regardait la scène. Cela me traumatisa profondément et je passerai 6 mois avant d'embrasser ma première vraie petit copine de peur que l'Homme en Bleu vienne m'interrompre. Cela arrivait aussi quand les infos de 20 heures traitaient d'un sujet qu'on n'a pas coutume d'aborder dans notre pays. Bref, il était toujours là pour décider à notre de place de ce qu'on devait voire et ce qu'on devait pas voire.
Je me rappelle aussi que mon père, dès l'arrivée sur le marché des récepteurs analogiques avec parabole, avait acheté le nécessaire, mais continuait à regarder la transmission terrestre et dès que la censure commençait, il basculait sur le satellite tout en réservant un bras d'honneur aux censeurs.
Il était aussi coutume pour notre Homme En Bleu national de se tromper en rétablissant la transmission au mauvais moment et on se retrouvait avec deux personnes en pleine action, je ferais plus tard la parallèle avec la censure sur internet qui semble "oublier" plusieurs sites web qui "devraient"
être censurés selon les critères de la censure chez nous.
La censure existera mais sera un peu moins connue pour les journaux, tout le monde sait bien qu'une bonne partie des journaux et magazines étrangers (je pense notamment à Jeune Afrique) devait d'abord passer par les services spécialisés dans le domaine afin qu'ils donnent l'aval pour la diffusion du journal en Tunisie ce qui donnait parfois des retards risibles (une semaine pour un hebdomadaire par exemple) provoquant pafois
des malaises chez les rédactions des journaux en question. Il est très important de signaler que la censure n'a jamais été que politique, elle est aussi religieuse, une manière de la légitimer de manière générale certes, mais c'était courant de voire la Tunisie refuser l'entrée d'un journal pour cause d'
articles offensant l'Islam.
Personnellement, j'ai pris conscience de la censure sur internet pendant mes voyages à l'étranger, notamment avec le site web
TuneZine (ZY) dont on entendait parler en Tunisie sans jamais pourvoir y accéder. Rapidement j'ai vu la différence entre "l'internet" en Tunisie et "l'internet" ailleurs, aucun site web n'est fermé, aucune information n'est filtrée, il n'y aucune tutelle sur nos lectures ailleurs, mais le Tunisien est considéré par l'ATI comme un mineur, qqn qui n'a pas suffisamment d'esprit pour pouvoir faire la différence entre le bien et le mal et qui pouvait se laisser embobiner par n'importe quelle propagande très facilement, mais moi je voyais en cela une insulte impardonnable pour tout un peuple et surtout une critique virulente envers tout le système éducatif qui n'aurait pas rempli son rôle en ayant délivré à la société des citoyens trop influençables et manipulables.
Le long de ces dernières années, outre l'abjecte décision d'obliger les clients des cybercafés à dévoiler leur identité complète afin de pouvoir accéder à internet, les méthodes de censure sur internet ont beaucoup évolué, celles qui m'ont fait beaucoup rire sont celles liées aux terrorisme et plus particulièrement le nom de Ussama Ben Laden, ainsi tout recherche sur le nom Ussama fut-elle sur le chef cuisinier de Dubai présentant le programme
Ussama Atyeb se soldait par un 404 Not Found, il y aussi la censure de la pornographie qui a causé tant de problèmes aux étudiants en médecine. A une certaine époque, un de plus grands hébergeurs des sites web : Multimania.com était complètement censuré en Tunisie à cause de quelques sites d'oppositions (non reconnue) hébergés sur ce serveur.
Viennent après les 4 grands géants qui ont été sacrifiés sur l'autel de la pensée unique, Youtube et DailyMotion (sites de partage de vidéos généralement musicales ou divertissantes) partiront à tout jamais, Wikipédia passera 4 jours avant d'être rétabli et puis c'était le tour de FaceBook et le compagne qui suivit cette censure et l'
implication directe du Président Ben Ali afin de rétablir l'ordre et rendre aux tunisiens leur premier site de loisir.
Cet évènement donner une certaine acceptation et même une officialisation de la censure, car le président ne pouvait pas refuser officiellement une décision non officielle. Depuis, la Tunisie a commencé à censurer les sites web de journaux et magazines étrangers (ou Al Jazeera) et surtout les blogs (
Débat, clando), pages
twitter et profils facebook (
Antikor,
Sofien Chourabi) et même certains groupes et Fan pages (Ici
1,
2 &
3) et ceci pour des raisons aussi incompréhensibles qu'arbitraires.
Pour conclure, la censure en Tunisie est très riche et variée et pourtant les tunisiens ne se laissent pas faire et les méthodes pour contourner la censure ne manquent pas (proxy par exemple), en témoigne le classement de YouTube parmi les 100 sites les plus consultés en Tunisie, mais au-delà de tout aspect technique, c'est surtout le fait que les tunisiens refusent la tutelle de l'ATI sur leur navigation sur internet, ils ne cherchent pas obligatoirement des sites web qui pourraient nuire au pays, mais veulent juste avoir accès à différentes sources d'informations et de pouvoir se divertir comme bon leur semble sans avoir à se justifier ou risquer de se faire poursuivre.